Le 21 janvier 1525 avait lieu les premiers baptêmes d’adultes dans la Limmat à Zurich, marquant le point de départ de notre mouvement d’Eglise, l’anabaptisme, dont les mennonites sont une branche. En 2025 nous nous réjouissons de célébrer ce jubilé avec nos frères et sœurs anabaptistes de Suisse, mais aussi du monde entier. En particulier le 29 mai 2025, pour une journée de réjouissance à Zurich, sous le thème « Le courage d’aimer ». Vous trouverez davantage d’informations sur le site: www.anabaptism500.ch
(Les organisateurs cherchent des volontaires pour cette journée et des hôtes pour héberger des visiteurs. N’hésitez pas à vous inscrire sur le site si vous êtes disponibles.)
Cet anniversaire est l’occasion de nous intéresser de plus près à l’anabaptisme. Pour ce faire, je me suis approché de Gladys Geiser et Lukas Amstutz, co-présidents de la CMS (Conférence Mennonite Suisse), Jürg Bräker, secrétaire général de la CMS ainsi que Maude et Raphaël Burkhalter.
Texte et interview : Florian Desy
En 2025, on célébrera les 500 ans du mouvement anabaptiste. En quoi cet anniversaire est important pour toi ?
Le présent de nos Églises, de notre communion anabaptiste, est au centre : qui sommes-nous aujourd’hui, après 500 ans du mouvement, et qu’est-qui était important sur ce chemin ? Ce n’est pas seulement une célébration festive, il faut aussi considérer les aspects problématiques. Et c’est une grande chance de discuter en public l’importance de la foi en Christ vécue et ce qu’elle signifie pour la vie en commun dans notre société. La vision anabaptiste prenait en compte que peut-être ceux et celles qui se décide à suivre Jésus seront seulement une minorité dans la société, et quand-même, à la base de leur foi, les anabaptistes souvent s’engageaient pour une vie en paix de tout le monde. Je crois, que ce sont de bonnes ressources pour notre société d’aujourd’hui qui comprend une pluralité de convictions, religieuses et non-religieuses.
Tu es secrétaire général de la CMS, mais aussi impliqué au niveau mondial avec la CMM. Quels sont les points d’unité entre les anabaptistes globalement ?
Je crois que le slogan de la CMM le résume bien : « Suivre Jésus, vivre l’unité, construire la paix » L’unité ne veut pas dire qu’on est d’accord sur tous points, mais une unité qui nous est donnée par le Christ et qui se réalise quand nous cherchons à suivre le Christ, qui nous appelle à un engagement pour la paix – la paix qu’il nous a donné et qu’il est lui-même. Les trois parts forment une unité interreliée. Cette interrelation marque la communion mondiale des Églises anabaptistes.
Quels sont les domaines dynamiques, porteurs de vie, dans l’anabaptisme aujourd’hui selon toi ?
C’est qu’on est conscient qu’on a besoin les uns des autres. Bien-sûr, les Églises dans le sud global, comme celles en Éthiopie ou en Indonésie, sont beaucoup plus dynamiques que nous dans le nord. Je suis impressionné par les Églises mennonites en Indonésie, qui sont très actives en mission, avec des Églises qui grandissent beaucoup, et qui vivent en même temps un grand respect pour les autres religions, qui s’engagent dans le dialogue et l’amitié entre les religions pour trouver des chemins de surmonter la violence entre les groupes ethniques divers. C’est justement ce respect et cet engagement qui donne de la crédibilité à leur témoignage. La mission et l’engagement dans le dialogue interreligieux vont bien ensemble. J’ai vu les mêmes dynamiques au Burkina Faso, et une des Églises anabaptiste qui grandit la plus vite, l’Église de Meserete Christos en Éthiopie, au milieu des guerres civiles a annoncé publiquement que ces membres ne porteront pas d’armes et ne participeront pas dans les conflits violents entre les groupes.
Pour ces Églises « dynamiques » du sud global, les origines de la communion anabaptiste qui se sont développées dans les pays du nord, sont très importantes. Ensemble, nous cherchons à comprendre ce qu’il signifie aujourd’hui de suivre le Christ, recevant ensemble les richesses de nos traditions anabaptistes. Chacun a besoin des dons et points forts des autres.
Quand tu te présentes comme mennonite, qu’est-ce que tu mets en avant ? Qu’est-ce qui est particulièrement fort dans notre mouvement pour toi ?
C’est la liberté de répondre l’appel spécifique qui m’a saisi à faire confiance en Christ. Si je mets cet appel personnel par le Saint-Esprit en avant, la foi reçoit un élément assez individuel. Et en même temps, quand je reçois le baptême en Christ, je suis joint à la communauté de son corps. Je me confie à répondre à cet appel en unité avec les autres qui peut-être entendent cet appel très différemment. J’accepte d’être questionné, critiqué. Mais je ne me soumets pas à la communauté, je me soumets à Christ, que je crois et cherche présent dans cette communauté. Cette dynamique parfois paradoxale entre liberté personnelle et vie communautaire permets une diversité sans laisser aller l’unité. Cela je trouve fort dans notre mouvement.
Pour quel évènement pour célébrer les 500 ans en 2025 te réjouis-tu particulièrement ?
Pour l’instant, je suis encore préoccupé par le travail des préparations. Mais je me réjouis à la journée de rencontre à Zurich le 29 mai. Je me réjouis que les richesses de notre communion mondiale sera présent à Zurich, qu’on peut célébrer ce qui est devenu des origines marginales il y a 500 ans. Et qu’on peut célébrer tout cela ensemble avec les autres traditions de foi parce qu’on a vécu ensemble des moments de pardon et renouvellement des relations dans le passé.
En tant que théologien anabaptiste au Bienenberg et co-président de la CMS, tu es particulièrement impliqué dans le mouvement mennonite. Qu’est-ce qui te pousse à t’impliquer autant dans ce mouvement ?
J'ai trouvé ma foi dans ce mouvement mennonite. Il y avait des personnes qui m'ont aidé à comprendre la foi. Et plus important encore : il y avait des personnes qui m'ont montré leur foi par l'exemple et m'ont ainsi montré ce que la foi peut signifier dans la vie et pour la vie. Et enfin, cette communauté a façonné ma propre foi - c'est en son sein que j'ai appris à croire. Si je m'engage aujourd'hui pour cette communauté, je le fais par gratitude et avec le souhait que d'autres personnes puissent découvrir leur foi dans le cadre de cette communauté.
On parle volontiers de l’histoire anabaptiste. Quel regard portes-tu aujourd’hui sur cette histoire quand tu penses aux mennonites aujourd’hui ?
Celui qui regarde en arrière dans l'histoire peut toujours découvrir des forces et des faiblesses. Il en va de même pour l'histoire mennonite. Nous ne devrions donc pas oublier notre histoire, mais nous ne devrions pas non plus l'idéaliser. Dans notre histoire, je reconnais toujours des contributions importantes, comme par exemple la lecture commune de la Bible, l'accent mis sur le fait de suivre Jésus au quotidien, l'engagement pour la justice ou le témoignage pour la paix. Mais à d'autres endroits, on constate aussi des tendances fondamentalistes, un retrait douteux de la société ou une certaine suffisance à vouloir tout savoir. C'est en regardant honnêtement l'histoire que nous pouvons le mieux en tirer des enseignements. Tout à fait dans l'esprit de la devise de l'année 2025 : « Examinez tout, retenez ce qui est bon ! (1Th 5,21) »
Quelles sont les perspectives d’avenir pour les anabaptistes en Suisse ?
Je pars du principe que la sécularisation va continuer à progresser en Suisse. Cela signifie que de moins en moins de personnes ont des points de contact avec la foi chrétienne. En tant qu'Églises, nous devrons donc apprendre à partager notre foi avec notre société d'une toute nouvelle manière. Il y aura de moins en moins de privilèges chrétiens et l'Eglise vivra de plus en plus dans une position minoritaire. En tant que mennonites, nous connaissons cette position de par notre histoire et pouvons donc mettre notre expérience à disposition des autres Eglises. Et bien entendu, nous pouvons aussi apprendre des autres Eglises. A l'avenir, notre société ne s'intéressera plus guère aux différences entre les Eglises. Un témoignage commun et crédible sera bien plus important.
De quel évènement des festivités des 500 ans te réjouis-tu particulièrement ?
Premièrement, je me réjouis de la petite célébration de la CMS le 21 janvier à Zurich. Ce jour-là, il y a 500 ans, le premier baptême de foi anabaptiste y a eu lieu. C'était une démarche courageuse. Je souhaite que cela nous inspire, en tant que CMS, à aller vers l'avenir avec honnêteté, courage et espérance. Ensuite, je me réjouis naturellement de la commémoration internationale du 29 mai, également à Zurich. Nous y verrons à quel point le mouvement anabaptiste est devenu coloré et international au cours des 500 dernières années.
En 2025, on célébrera les 500 ans du mouvement anabaptiste. Peux-tu nous rappeler courtement ce qu’est ce mouvement anabaptiste ?
Ce mouvement est né autour de la Réforme dans un contexte où l’on commençait, dans différents endroits d’Europe, à se questionner sur les pratiques de l’Eglise catholique en lien avec ce qu’enseignait la Bible. A noter que tout au long de l’histoire de la chrétienté, des croyants et plus particulièrement certains Pères de l’Eglise, tentaient régulièrement de retrouver les valeurs et les pratiques de l’Eglise primitive, celle que nous trouvons dans le livre des Actes. Les anabaptistes étaient en accord avec les principes fondamentaux des Réformateurs mais s’en distinguèrent relativementrapidement sur certains points. On était d’accord sur le fait que la Bible était la référence pour la vie de foi. Mais comme chaque croyant baptisé recevait le St-Esprit, les anabaptistes pensaient que l’interprétation de l’Ecriture se faisait communautairement et non seulement par des théologiens. Le baptême, pensaient les anabaptistes, ne pouvait être compris que par des personnes adultes, ce qui engendra une pratique nouvelle, celle du baptême des adultes. La nouvelle naissance et une vie transformée qui se vérifie au quotidien allaient de pair pour eux. Le partage des biens et le pacifisme sont deux notions importantes dès le début du mouvement. Ce qui exposa les premiers anabaptistes à des risques considérables de persécution et de maltraitance.
Quel a été le point de départ des anabaptistes ? Et comment ce mouvement s’est-il développé ?
Des disputations avaient régulièrement lieu entre théologiens de la réforme et les découvertes et une vision renouveléesde la Parole en conduisirent certains dont Grebel et Blaurock à recevoir le baptême, dont les premiers ont justement eu lieu le 21 janvier 1525. Nous aurons l’occasion de célébrer cet événement dans quelques jours à Zurich. Ces pratiques et ces compréhensions différentes des catholiques et des réformés, que certains considérèrent comme radicales, posèrent en quelque sorte, les bases de la foi et des convictions anabaptistes.
Comme dans chaque mouvement, l’anabaptisme a connu des développements hérétiques qui n’ont pas été glorieux. Certains théologiens, dont Menno Simons (d’où le nom mennonite), un ancien prêtre, mit l’accent sur l’importance à vérifier les perceptions spirituelles à la lumière du Christ.
Voilà donc pour l’histoire. Aujourd’hui qu’en-est-il du mouvement anabaptiste dans le monde ?
Le mouvement a donc perduré, influencé par d’autres mouvements, en particulier le piétisme, mais également par d’autres spiritualités plus récentes, on trouve donc aujourd’hui un mouvement qui présente une grande diversité de traditions, de pratiques et d’orientations théologiques dans le monde entier. Les Eglises mennonites connaissent actuellement le même développement que d’autres congrégations, celui d’une grande augmentation de membres dans les pays de l’hémisphère sud et une triste régression dans les pays occidentalisés.
Anabaptiste… En quoi ça nous concerne, nous qui sommes une Eglise mennonite ?
L’anabaptisme est le mouvement de départ duquel sont nés plusieurs ramifications. : les Huttériens qui mettent un accent particulier sur la vie en communauté et le pacifisme, les Amisch dont on trouve des communautés importantes aux Etats-Unis pour n’en citer que quelques-uns. Le terme mennonite était un terme populaire en Hollande pour désigner tous ceux qui ont suivi Menno Simons, dont j’ai parlé pus haut.
Et en Suisse ?
En Suisse il existe actuellement 13 communautés. Deux dans la région bâloise, deux en Emmental, 2 dans le Jura, 4 dans le Jura bernois, une à Brugg, une à La Chaux de Fonds et une à Berne. Certaines sont très petites d’autres compte plus de 100 membres. Les Eglises sont indépendantes l’une de l’autre, de tendances théologiques parfois différentes et leur organisation varie de l’une à l’autre. Une assemblée des délégués est organisée deux fois par année dans laquelle nous traitons les questions administratives et partageons le vécu des Eglises. Des thèmes sont traités durant des journées d’études ouvertes plus spécifiquement aux responsables d’Eglises.
Comment allons-nous fêter cet anniversaire en 2025 ?
Un événement principal, organisé par la conférence mondiale mennonite, aura lieu à Zurich le 29 mai. Ce sera une fête ouverte au public. Des films, des ateliers, une table ronde, différents groupes de musique internationaux et un circuit dans la ville de Zurich nous permettrons de revisiter l’histoire mais également de nous inviter à réfléchir aux défis actuels que nous rencontrons en tant que chrétiens et disciples de Jésus. La journée se terminera par une célébration à la cathédrale. Ce sera une belle opportunité de rencontrer de mennonites du monde entier.
Qu’est-ce qui te réjouit le plus dans cet anniversaire ?
Je me réjouis de rencontrer des femmes et des hommes de différentes parties du globe et d’entendre ce qu’ils vivent. Je vois dans cette commémoration l’occasion de nous arrêter un instant, de regarder en arrière avec reconnaissance pour les valeurs transmises, et de nous encourager les uns les autres à être porteurs de la bonne nouvelle de l’Amour de Jésus pour le monde avec un nouvel élan.
Qu’est-ce que tu mettrais en avant concernant l’anabaptisme aujourd’hui ?
Comme à ses débuts, l’anabaptisme met la priorité à interpréter les textes bibliques à la lumière du Christ et à vivre sa foi dans le quotidien. Les thèmes de la paix, de la réconciliation et de la justice dans un mouvement diversifié et très varié est un témoignage en soi mais reste en même temps un défi de taille pour la conférence mennonite mondiale. Comme beaucoup d’Eglises, il fait face à de nouvelles constellations sociétales, à des moyens de communications en constante évolution et à un individualisme inquiétant. Si nous voulons continuer à être disciples du Christ et porteurs d’espérance, nous devons nous adapter, être créatifs en nous appuyant et en comptant sur l’Esprit de Dieu.
En 2025, on célébrera les 500 ans du mouvement anabaptiste. En quoi cet anniversaire est important pour toi ?
Maude: Il est important parce qu’il me rappelle mon enracinement dans une histoire de plusieurs siècles d’hommes et de femmes radicalement transformés par l’amour de Jésus et décidés à le suivre.
Raphaël: Chaque mouvement d'église commence par des actes prophétiques qui s'expriment par un réveil spirituel, des demandes de pardon et un désir de réviser le passé pour s'approcher de Jésus-Christ. Cela est vrai également pour les anabaptistes. Je regarde donc à l'année 1525 comme un mouvement prophétique qui m'inspire pour 2025.
Quand tu te présentes comme mennonite, qu’est-ce que tu mets en avant ? Qu’est-ce qui est particulièrement fort dans notre mouvement pour toi ?
Maude: Je mets en avant l’importance du baptême sur confession, le choix du pacifisme et la séparation entre l’Etat et l’Eglise. D’autre notions comme le refus du serment, l’importance de la communauté et la justice restaurative plutôt que rétributive me tiennent aussi particulièrement à cœur.
Raphaël: Je présente quelques propriétés anabaptistes, par exemple notre ardent désir de cultiver la paix et la justice dans le monde et dans l'Église. Une vocation qui je crois est fortement établie dans l'église mennonite mondiale (dont le 70% vivent en Afrique, Asie et Amérique latine – ce qui me réjouit particulièrement). Et surtout notre désir d'être une communauté de disciples radicaux – créés par le Père, sauvés par Christ, transformés par l'Esprit pour servir l'humanité à travers l'action et la proclamation.
Tu as étudié avec des pentecôtistes australiens et maintenant avec des catholiques. Qu’est-ce que les anabaptistes ont de particulier selon toi ? Comment sont-ils perçus dans les milieux que tu côtoies ?
Raphaël: "Vous êtes comme les Amish ?" ou encore "Vous avez de la famille en Amérique latine ?" Ces questions, auxquelles je répondais d’abord avec réprobation, sont devenues pour moi de vrais marqueurs d'identité anabaptiste. Oui, les Amish sont mes frères et sœurs, engagés radicalement à la suite de Jésus. Et oui, notre église, est mondiale, et toutefois, elle conserve un esprit familial et local. Ce mouvement qui a commencé par une petite minorité d’hommes et de femmes radicaux à Zurich a aujourd’hui touché les quatre coins du monde, et est porté par le même message intemporel de l’Évangile : annoncer le salut, vivre la paix, œuvrer pour la réconciliation et incarner l’amour du prochain à travers la vie, la mort et la résurrection de Jésus-Christ.
Maude: A l’heure actuelle, je pense que les anabaptistes ont une voix à faire entendre dans les sphères œcuméniques, notamment sur la question de la gestion des conflits et sur la paix. Forts de leur longue histoire et de leur passé de « radicaux » ayant souffert pour leurs convictions, ils sont en mesure de se faire les porte-parole des minorités tout en étant considérés par les majorités. Dans les milieux que je côtoie, notamment pentecôtistes et catholiques, les anabaptistes ne sont pas très bien connus, mais on les voit apparaître de temps en temps, notamment en histoire de l’Eglise, ou comme exemple d’un des premiers « réveils », ou comme voix porteuse de paix.
Peux-tu nous rappeler courtement ce qu’est ce mouvement anabaptiste ?
Maude & Raphaël: Le mouvement anabaptiste est apparu au 16ᵉ siècle, dans le sillage de la Réforme protestante. Ses partisans rejetaient le baptême des enfants, estimant que seul un adulte pouvait choisir consciemment de devenir disciple de Jésus. Dans leur interprétation communautaire de la Bible, ils trouvaient des attributs christocentriques essentiels, ainsi ils défendaient une Église indépendante de l’État, une foi personnelle et communautaire, et des pratiques comme le pacifisme, le partage des biens et la simplicité de vie. Leur rejet des structures ecclésiastiques traditionnelles de l'époque a eu pour conséquence une forte répression, tant de la part des catholiques que des protestants.
Quel a été le point de départ des anabaptistes ? Et comment ce mouvement s’est-il développé ?
Maude & Raphaël: Le point de départ a été un désir d’une Réforme plus radicale que celle proposée par le réformateur suisse Ulrich Zwingli, au début des années 1520 à Zurich. Plusieurs proches de Zwingli comme Conrad Grebel, Felix Manz et George Blaurock estimaient que les Écritures appelaient à des changements structurels plus profonds. Le point de rupture a été le refus du baptême des enfants, une pratique qu’ils jugeaient non biblique. Le 21 janvier 1525 (ça fera 500 ans exactement dans quelques semaines), ces anabaptistes – littéralement les “re-batiseurs” – ont réalisé le premier baptême adulte à Zurich, marquant officiellement la naissance du mouvement. Un geste qui a déclenché une persécution sévère, forçant certains anabaptistes à fuir en Oberland bernois, puis au Jura, et d'autres à travers l'Europe du Nord, en Russie, et jusqu'en 'Amérique, se propageant ainsi dans le monde entier.
Voilà donc pour l’histoire. Aujourd’hui qu’en-est-il du mouvement anabaptiste dans le monde ?
Raphaël: Aujourd'hui les anabaptistes restent une voix alternative et minoritaire dans le paysage chrétien mondial(malgré deux millions de membres). Cette alternative, qui est un engagement radical pacifiste contre l'injustice, apporte un contraste notamment dans les pays en conflit armés ; tel que l'Ukraine où les anabaptistes défendent une vie avec le Christ qui défie la violence environnante et opposent la tentation de la vengeance (Lien). Ou encore l'Éthiopie, là où des milliers de croyants sont touchés par de violentes guerres civiles et guerres de religions (même entre-chrétiens), là l'alternative pacifiste anabaptiste réunis des milliers de mennonites pour proclamer Jésus comme Prince de la paix(Lien& Lien2).
Maude: Depuis ses débuts, le mouvement anabaptiste a évolué en plusieurs branches et communautés, dont les mennonites, les amish et les huttérites, présents partout dans le monde. Ils gardent en commun leur engagement pour la paix et la justice sociale et leur action dans les milieux œcuméniques, mais ont des styles de vie et des expressions de leur foi qui ne se ressemblent pas toujours.
Et en Suisse ?
Raphaël et Maude: La Conférence Mennonite Suisse compte un peu moins de 2 000 membres. Dans notre pays réputé "neutre", les anabaptistes ont joué un rôle clé en établissant le droit pour les jeunes hommes de choisir entre le service militaire et le service civil. Si cette liberté est aujourd'hui considérée comme acquise, le contexte mondial invite à réfléchir à l'héritage laissé par nos ancêtres pacifistes.
La justice restaurative, profondément enracinée dans la vision anabaptiste, connaît un essor en Suisse comme méthode de médiation et de réintégration, offrant une alternative à la justice rétributive traditionnelle.
L'Église mennonite, souvent en marge de la société, propose une approche distincte de celle des autres traditions chrétiennes. Marquée par une histoire de persécution et de marginalisation, elle témoigne depuis 500 ans d'une foi solide en Christ, offrant un exemple de persévérance. Ce témoignage nourrit le dialogue œcuménique, notamment avec des Églises qui, pour la première fois, expérimentent la marginalisation de la société et l'exil de leurs membres.
Anabaptiste… En quoi ça nous concerne, nous qui sommes une Eglise mennonite ?
Maude & Raphaël: Les mennonites sont donc une branche de l’anabaptisme, née aux Pays-Bas en dans les années 1530, sous l’impulsion de Menno Simons, un ancien prêtre catholique qui s’est «converti» à l’anabaptisme (nous nous appelons mennonites parce que c’est ainsi que s’appelaient entre eux les premiers « followers de Menno Simons » : « mennonites » étant moins péjoratifs qu’ «anabaptistes» à l’époque). Simplement dit, Menno Simons a collaboré à une consolidation d'une identité anabaptiste modérée et cohérente entre deux branches anabaptistes radicales (la branche ultra spirituelle dite : "des spiritistes" et la branche très légaliste qui prenait la Bible au pied de la lettre : les "frères-suisses"). Notre Église est donc étroitement liée à l’histoire de l’anabaptisme puisqu’elle y tire ses origines.
Comment allons-nous fêter cet anniversaire en 2025 ?
Raphaël et Maude: Le 29 Mai 2025, la Conférence mennonite mondiale organise une grande célébration dans la ville de Zürich. Des frères et sœurs de notre mouvement d'église du monde entier y seront rassemblés pour célébrer 500 ans d’engagement radical pour Jésus. L'équipe d'organisation prévoit des temps de louange internationaux, des ateliers interactifs, et des activités sur le thème d'"Oser aimer" à travers la ville de Zürich. Plus d'info sur le site (https://www.anabaptism500.ch/)
Qu’est-ce qui te réjouit le plus dans cet anniversaire ?
Raphaël: J'ai hâte de rencontrer d'autres croyants anabaptistes venant des quatre coins du monde. Cette unité à travers une diversité est pour moi un petit bout du Royaume de Dieu sur terre. Bien sûr, célébrer un demi millénaire d'histoire me réjouit également, je suis particulièrement réjoui d'avancer avec notre église mondiale dans le monde d'aujourd'hui.
Maude: Au-delà de la rencontre à Zürich, je me réjouis surtout de participer à une discussion qui s’étendra sur toute l’année 2025, à la fois au niveau global et local. Un demi-siècle après la naissance de l’anabaptisme, qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Où en sommes-nous concrètement dans nos engagements en faveur de la paix, au niveau de la conférence mondiale mais aussi au niveau de notre Eglise, ici à Tavannes? En 2025, ça veut dire quoi être une communauté de personnes qui suivent Jésus ?
Qu’est-ce que tu mettrais en avant concernant l’anabaptisme aujourd’hui ?
Raphaël: En tant qu'anabaptiste mon souhait est de partager avec l'humanité un "déjà" du Royaume de Dieu, gouverné par le Seigneur Jésus. Une radicalité pour Jésus qui est exprimée par des actions et des proclamations de la Bonne Nouvelle fondée sur une foi profonde, une espérance et un amour inspirée par le Sermon sur la Montagne.
Maude: Je mettrais en avant ce qui, finalement, nous unit aux autres membres du corps du Christ: une suivance radicale et déterminée de Jésus-Christ et de ses enseignements.